Wednesday, September 23, 2009

Actualité de Trevor Ravenscroft

Nous avions vingt ans, l'Eglise romaine nous débecquetait (1) et l'état de conscience borné de madame Michu nous donnait envie de lancer des coups de pieds dans les murs. D'ailleurs nous les avons donnés, ces coups de pieds, mais ils furent très vite récupérés par des politiques qui ne s'intéressaient qu'à la répartition de l'avoir, à la circulation des marchandises et ne nous concédaient que le droit de céder sans remords à n'importe quelle démangeaison sexuelle. Il ne restait de pur que Maurice Clavel, les royalistes et les hippies, pour tout dire. Nous que l'avoir ne comblait pas, nous cherchions désespérément l'être. Presque naturellement, dans cette quête, nous avons rencontré les marchands d'orviétan – ceux-ci plus faciles à reconnaître car âpres au gain matériel – et, plus périlleux, les marchands d'abîme. Ces derniers avaient en main des appâts bien étudiés, du romantisme pour les romantiques, des exercices plus poussés que le hatha yoga qui fleurissait un peu partout et réellement opératifs, des mythes qui résonnaient immédiatement dans les âmes mais recélaient un mortel poison. Certes, ils abattaient les murs mais pour offrir un labyrinthe sans issue où se réverbéraient les échos éclatés d'un message traditionnel sans jamais que sa cohérence fasse sens. Nous avions vingt ans : nous sommes entrés d'un pas ferme dans l'antre du Minotaure, ignorant que nous allions ainsi passer de déception en déception spirituelles.
Parmi les guides qui contribuaient à nous égarer dans une errance sans repère, il y eut un certain nombre d'auteurs publiés chez Laffont, Albin Michel ou dans la collection rouge des éditions J'ai Lu. Sous couvert de nous offrir l'univers et ses maîtres de sagesse, les dessous magiques du pouvoir ou quelque accès au sacré, ils nous entraînaient le plus souvent dans des impasses mais, au passage, tentaient de nous dérober ce que nous avions retenu de positif de notre enfance, à commencer par le discernement des esprits. L'attaque était d'autant plus insidieuse que les éditeurs, ne voyant là que littérature de gare sans importance, s'autorisaient à tronquer les textes, à les édulcorer et les amputer de ce qui aurait pu permettre de reconnaître le mufle de la Bête. Il n'en restait que le venin enflaconné comme un philtre magique de supermarché.
Puis la mode passa chez les éditeurs qui n'avaient sorti ces collections où le pire côtoyait le meilleur qu'à cause du succès imprévu de la revue Planète. Foin désormais d'archéologie mystérieuse, de civilisations enfouies ou de secrets de pouvoir, ils allaient donner dans la psychologie en kit et les médecines douces façon mère-grand. On ne soignait plus que les cors aux pieds, les scolioses et les mauvaises relations parentales. Castaneda laissait place à Maïté. Mais les livres ont plusieurs vies. Ceux qui nous avaient si mal nourris se retrouvaient, toujours tronqués et amputés, chez les bouquinistes ou dans les vide-greniers, accessibles pour trois sous aux jeunes gens avides d'être de la génération suivante.

Je force le trait ? A peine.

Si nous avions eu dans les mains des traductions fiables et complètes au lieu de versions griffonnées sur un coin de table pour tenir les délais, aurions-nous reconnu l'intention cachée derrière certains romantismes ? Ce n'est pas entièrement sûr, on a toujours encore un peu de naïveté à vingt ans mais du moins nous aurions été armés pour le faire, surtout si le traducteur s'était donné la peine de lire aussi les réfutations parues ici ou là. C'est pourquoi je salue l'initiative des éditions Camion noir (2) de rééditer l'un des ouvrages les plus sulfureux de la célèbre collection rouge, La lance du destin de Trevor Ravenscroft, en version complète et annotée. Le traducteur qui signe Tahir de la Nive et le préfacier mystérieusement Vlad D sont de bons compères en cette entreprise. Vlad D nous met de suite dans l'ambiance : ce livre présenté comme le résultat d'une investigation ne tient pas debout dès qu'on le confronte au réel. Il réécrit l'histoire. Pourquoi, alors, le republier ? Vlad D nous donne trois raisons : son immense influence en Angleterre, comparable à celle du Matin des magiciens en France ; qu'il ait renforcé l'idée qu'Hitler fut l'antéchrist tel que le décrit Anne-Catherine Emmerich ; enfin que la diabolisation du nazisme avait commencé avant guerre « au travers de publications commandées ou traduites par les services de renseignement français » et britanniques. Le faux essai et vrai roman de Ravenscroft s'inscrit ainsi dans une série initiée bien en amont puisqu'il paraît en 1972 en Angleterre, à une époque où le péril nazi n'a plus vraiment d'actualité. A ces raisons données par le préfacier, j'en ajouterai une que l'on pourra prendre comme l'acquiescement du lecteur. Il était temps. Le thème de la Lance, plus ou moins déformé par rapport à l'original de Ravenscroft (petite ferme des corbeaux, quel nom !), revient en force avec au moins une BD et deux romans publiés en français depuis deux ans.
Quant à Tahir de la Nive, il revient sur les coupes sombres opérées par son collègue de 1973, « les passages soumis au couperet étant naturellement les plus ardus à traduire parce que généralement les plus intéressants, ceux qui exigent du traducteur consciencieux un effort majeur de recherche et de précision, un choix judicieux de termes, une expression qui soit intelligible au lecteur sans pour autant trahir l'auteur. » Le résultat de cette exigence est un livre de plus de 500 pages, avec des notes abondantes, tant de l'auteur que du traducteur, aussi fluide à lire que la version de gare mais qui donne à réfléchir autant sinon plus qu'à rêver.

Je voulais comparer les deux traductions avant de rédiger cet article mais j'ai égaré l'ancienne. Je ne sais donc pas exactement ce qui fut coupé à l'origine. Mais, est-ce le recul de l'âge et de l'expérience, est-ce la qualité indéniable du traducteur, dès les premières pages me saute aux yeux ce qui ne m'avait pas frappée dans les années 70. J'avais bien vu alors que Ravenscroft balançait des affirmations comme des vérités premières, sans jamais les étayer d'une référence ni les questionner, ce qui s'apparente à une propagande plus qu'à un travail d'historien. J'avais senti sa fascination mêlée d'horreur pour Adolf Hitler, une fascination non politique mais qui évoque le vertige que l'on ressent en certains lieux sinistres et puissants, certaines chutes d'eau sur de sombres rochers, certaines grottes. Le romantisme puis le symbolisme avaient flirté avec ces vertiges, que l'on pense au Huysmans de Là-bas, à Barbey d'Aurevilly, à Nerval mais sans franchir certains garde-fous qui ne le furent que par des mages noirs comme Aleister Crowley ou Theodor Reuss. Ravenscroft oscille en permanence autour de cette limite mais, s'il induit le vertige chez le lecteur, lui-même semble toujours en retrait : en retrait derrière le professeur Walter Johannes-Stein (1891-1957) qui, selon lui, fut son mentor et aurait du écrire ce livre, en retrait derrière la condamnation officielle du nazisme, etc. A propos de Johannes-Stein, notons que Ravenscroft finit par avouer au journaliste Eric Wynants qu'il ne l'avait jamais rencontré mais « lui avait parlé par le biais d'un médium ». Toutefois ce patronage allégué n'est pas neutre, Johannes-Stein étant un disciple fervent de Rudolf Steiner, passionné par la légende du Graal auquel il consacre plusieurs livres, dont The Ninth Century and the Holy Grail et Death of Merlin: Arthurian Myth and Alchemy.
Avec quelques petites phrases comme : « Justinien, sorte de bigot absolutiste » ou « l'astucieux Constantin [...] eut l'audace de promulguer et d'imposer à l'Eglise le dogme de la Trinité », Ravenscroft annonce tout un courant de pensée que l'on retrouvera dans les ouvrages anglo-saxons dédiés à l'affaire de Rennes le Château, déjà dans le Holy Blood, Holy Grail de Baigent, Leigh et Lincoln puis plus clairement encore chez Picknett et Prince, Andrews et Schellenberger, l'autre racine de cette relecture du christianisme se trouvant chez Robert Ambelain qui se contente d'accuser l'apôtre Paul d'avoir transformé un maquisard juif en avatar de Dieu. Est-il anodin qu'Ambelain et Ravenscroft publient leurs ouvrages presque en même temps ?
Si cette malveillance à l'égard des empereurs chrétiens (qui ne s'étend pas à Théodose, pourquoi ?) ouvre le livre, on trouve vers la fin, aux pages 426-434 un résumé allégué des croyances de Steiner à propos du Christ : « L'incarnation du Christ dans la chair et le sang de Jésus fut la descente de l'Esprit Solaire dans le calice de la Lune, configuration qui devint le symbole du Saint Graal au Moyen Age ». Notons que cette descente a lieu lors du baptême dans le Jourdain. C'est du pur Nestorius si l'on exclut les allusions soli-lunaires, lesquelles n'ont même pas l'excuse de correspondre à la symbolique alchimique. Mais il y a mieux encore lorsque Ravenscroft évoque le coup de lance de Longinus : « Le Sang se répandait sur le sol et, coulant de la blessure faite par la Lance, constituait le véhicule de l'Esprit Solaire s'incarnant dans le corps de la Terre même. C'est le coup de lance de Longinus qui provoqua la naissance du Christ cosmique comme Esprit de la Terre. » Là, c'est très fort. Assimiler Gaïa au Christ, on n'avait pas encore osé ! Notons avec un brin d'humour que celles qui reprochent au christianisme d'avoir rejeté la Terre-Mère et toute féminité se voient ainsi préventivement retirer le tapis de sous les pieds !
Plus loin encore, au chapitre 22 (pages 441 et sq.), Ravenscroft aborde la thématique du Double , le Doppelgänger, terme qu'il attribue à Goethe mais qui semble en usage un siècle plus tôt, contrepartie ténébreuse de l'Ego ou de l'Esprit et nous annonce froidement que, si Hitler fut possédé par Lucifer, Heinrich Himmler incarnait le Doppelgänger du Monde ou Anti-Esprit de l'humanité. La caractère profondément dualiste de cette doctrine n'échappera à personne mais, plus subtilement, notons que Ravenscroft la publie au moment où l'on s'intéresse en physique aux symétries, aux antiparticules et à l'antimatière. C'est dire qu'il transpose un langage à la fois familier de par les médias et chargé de l'aura d'une discipline de haut niveau, la physique quantique, que d'aucuns s'accordent à rapprocher des grandes écoles spirituelles comme le taoïsme ou le bouddhisme. Evidemment, l'exposé clair et précis de cette doctrine, qu'elle soit ou non anthroposophe, ne figurait pas dans la version de gare.

Merci donc à Tahir de la Nive. S'il ne faut évidemment pas lire Ravenscroft au premier degré et croire tout ce qu'il raconte, l'ouvrage représente un document d'importance pour l'histoire des mentalités et plus précisément celle de l'occultisme.

1. Avant Vatican II, nous l'avions vécue comme une machine à briser les ailes et bien tasser dans le moule étroit de la pensée petite-bourgeoise (Flaubert : « J'appelle bourgeois tout ce qui pense bassement » et les curés sur ce point valaient les boutiquiers – où était Bernanos, où était Léon Bloy ?) ; après Vatican II, c'était pire, les dominicains couraient derrière Marx tout habit retroussé, les autres s'aplatissaient devant nous sans plus rien nous proposer. Pouah

2. www.camionnoir.com





Thursday, September 17, 2009

Visite au Père-Lachaise



L'autre jour, j'ai visité le cimetière du Père Lachaise avec un spécialiste des vampires. Je ne suis pas une mordue de cette thématique où je vois surtout une formule littéraire, un romantisme d'auteurs assez éloigné des mythes funéraires spontanés tels qu'on les rencontre dans l'étude du folklore ou des rites mais il est toujours intéressant d'écouter un érudit passionné, surtout lorsqu'il retrouve l'influence de la littérature vampirique dans certaines tombes d'un lieu aussi chargé d'histoire que le Père Lachaise et je me promettais de faire ici quelques réflexions inspirées par cette promenade parisienne. Il faisait beau, sans doute l'un des derniers jours d'été, ce qui ne gâte rien : le romantisme a moins de goût sous la pluie.

Pourtant le plaisir escompté s'est mêlé de colère et c'est dans la série des coups de gueule que ce message prendra place. Si la tombe d'Allan Kardec est toujours fleurie et entretenue par les disciples de ses disciples, la conservation de nombre de monuments ou de chapelles funéraires d'avant 1914 laisse plus qu'à désirer. Le calcaire blanc dans lequel la plupart furent réalisés noircit de pollution, les sculptures sont rongées, les vitraux cassés, les portes rouillées et jamais repeintes et si l'on ne voit pas courir de rats entre les concessions, c'est que ces bêtes ont des mœurs nocturnes et que les visiteurs sont obligés aux activités diurnes. Tombes ordinaires que les familles n'entretiennent plus ? C'est parfois vrai, encore qu'elles pourraient fournir à des spécialistes du XIXe siècle la matière d'une bonne centaine de thèses, qu'il s'agisse d'histoire de l'art ou de démographie, de mentalités, si ce n'est d'humour macabre car on en trouve aussi. Mais que la tombe de Balzac, inscrite à l'inventaire, soit depuis des mois entourée d'une barrière de plastique orange comme un chantier sans qu'aucun vrai travail de réfection n'ait eu lieu, ce n'est pas acceptable. Juste en face, la statue de femme enveloppée de voiles qui orne celle de Casimir Delavigne a perdu la main qui tenait la couronne de lauriers. Quant à l'urne qui surmonte la colonne de Gérard de Nerval, sa noirceur galopante en fait plutôt un vase aux poisons !

A côté de Leymarie, disciple de Kardec au dolmen aussi faux que celui du maître mais tout aussi entretenu, on trouve un témoin rare de l'égyptomanie de la Belle Epoque, la tombe Caron, mausolée surmonté d'une tête de pharaon portant l'uræus et qui met un doigt sur ses lèvres comme pour exiger le secret de l'arcane. Mais le premier mort de la famille tomba en 1914, deux autres en 1917, le dernier en 1934 : trop récents pour les mesures de conservation théoriquement prises pour les tombeaux d'avant 1900. Ailleurs, on trouvera une croix retirée d'une tombe et posée à l'envers sur une autre couverte de mousse mais de 1916, des blocs de pierre jetés en vrac sur une troisième de date forcément illisible. Quant à la stèle envahie de végétation derrière sa grille rouillée, elle ne montre plus ni nom ni portrait, on en devine seulement la trace.

Mais la mairie de Paris entretient le cimetière, me dira-t-on : elle rénove... le pavage des allées !

Avant de pousser ce cri, j'ai regardé comment le Père Lachaise apparaît sur la Toile. On trouve de tout, beaucoup d'amoureux du lieu, de résumés historiques, de discussions érudites mais tous les sites ont un point commun : ils présentent des photos bien léchées, des chapelles en bon état au toit juste assez moussu pour induire une nostalgie de bon aloi. Seul le site « Amis et passionnés du Père Lachaise » ose poser (le 17 janvier 2006) un questionnaire sur la protection du lieu. On y apprend nombre de choses intéressantes mais le venin coule aussi entre les lignes... je me permets de le citer ici et de le commenter.

« Le cimetière du Père-Lachaise est soumis à plusieurs mesures légales et réglementaires de protection, tant au titre de l’environnement que de la culture.

La partie la plus ancienne du cimetière, soit environ la moitié de la superficie totale (43,2 ha), est classée comme site remarquable au titre de la loi du 2 mai 1930 sur les Monuments naturels et les sites (arrêté ministériel du 17 décembre 1962)

Ce même périmètre, avec quelques adjonctions et quelques restrictions, est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, pour tous les tombeaux antérieurs à 1900, au titre de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques (arrêté ministériel du 21 mars 1983).

Douze monuments compris ou non dans ce périmètre, ont été classés « Monuments Historiques » au titre de la loi du 31 décembre 1913 précitée (arrêtés ministériels 1983-1995).

L’ensemble crématorium-columbarium a été inscrit à l’inventaire supplémentaire par arrêté ministériel du 17 janvier 1995.

Par ailleurs, deux cahiers des charges applicables aux zones ci-dessus protégées ont été instituées par arrêté municipal du 13 février 1995. »

Notons qu'on ne nous dit rien de ces cahiers des charges : s'agit-il de l'entretien des allées, de la nourriture des chats ou de l'élagage des arbres ? Notons aussi que l'inventaire supplémentaire s'arrête en 1900 alors qu'une bonne part des tombes intéressantes du point de vue artistique ou historique date de la Belle Epoque si ce n'est des années 30. Il faudrait au moins pousser cette inscription jusqu'à la seconde guerre mondiale.

« Le cimetière possède-t-il un plan de gestion comprenant une politique de conservation ou un programme incluant le nettoyage, la restauration et la réparation des stèles et monuments abîmés ou usés par le temps ? Si oui, comment le processus est-il financé et qui fait/supervise le travail ?

Réponse : Les monuments funéraires étant, aux termes de la loi française, des propriétés privées, il appartient légalement aux propriétaires de ces monuments de les entretenir, réparer et restaurer. L’administration des cimetières ne peut intervenir que sur les monuments qui appartiennent à la Ville de Paris.

S’agissant de ces derniers monuments, ils peuvent bénéficier de travaux de restauration décidés et financés par une commission d’Architecture Funéraire créée en 1984 et dotée d’un budget approprié par la Ville de Paris. Les travaux sont ensuite suivis par l’administration des cimetières. »

Foutaise ! La dernière modification de la loi celle du 20 décembre 2008, comporte cet article :

« Art.L. 511-4-1.-Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des monuments funéraires lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique.
« Toute personne ayant connaissance de faits révélant l'insécurité d'un monument funéraire est tenue de signaler ces faits au maire, qui peut recourir à la procédure prévue aux alinéas suivants.
« Le maire, à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret, met les personnes titulaires de la concession en demeure de faire, dans un délai déterminé, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au danger ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les monuments mitoyens.
« L'arrêté pris en application de l'alinéa précédent est notifié aux personnes titulaires de la concession. A défaut de connaître l'adresse actuelle de ces personnes ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune où est situé le cimetière ainsi que par affichage au cimetière.
« Sur le rapport d'un homme de l'art ou des services techniques compétents, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d'achèvement et prononce la mainlevée de l'arrêté.
« Lorsque l'arrêté n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure les personnes titulaires de la concession d'y procéder dans le délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois.
« A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande.
« Lorsque la commune se substitue aux personnes titulaires de la concession défaillantes et fait usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus, elle agit en leur lieu et place, pour leur compte et à leurs frais.
« Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu'elle s'est substituée aux personnes titulaires de la concession défaillantes, sont recouvrés comme en matière de contributions directes. »

Evidemment, quand rechercher les héritiers demanderait un effort et comme restaurer a un coût, il est plus facile de détruire, oubliant que des tombes anciennes sont un patrimoine irremplaçable. Il est tout de même rageant de voir avec quel zèle on chante la découverte archéologique de tombes anciennes, de l'homme de Tautavel aux Mérovingiens, et avec quelle légèreté on démolit ce qui ne vient que de 3 ou 4 voire 5 générations en arrière. Notons qu'il faut tout de même une ordonnance de référé. Je ne suis pas si sûre que l'on y ait eu recours si souvent pour les destructions du Père Lachaise. On semble préférer l'abandon.

Mais revenons au questionnaire. Je passe sur l'affirmation selon quoi 80% des actes de vandalisme seraient dus aux admirateurs de Jim Morrison. Un point intéressant concerne les nouvelles attributions : « Il n’y a plus d’espace disponible au Père-Lachaise depuis 60 ans. En revanche, la loi permet depuis 1924, de reprendre des concessions anciennes abandonnées ainsi que de ré attribuer ces concessions reprises à de nouveaux bénéficiaires. Cette procédure permet de ré attribuer environ 300 concessions par an en moyenne.

Il n’y a pas de critère particulier pour être enterré au Père-Lachaise. En France, les privilèges funéraires ont été abolis en 1790 et les règles sont les mêmes pour tous. La loi place tous les défunts sur un pied d’égalité, sans considération de fortune, de titres ou de notoriété. Pour être enterré au Père-Lachaise, il faut, soit appartenir à une famille qui y possède déjà une concession, soit être décédé à Paris (sans considération de nationalité ou de domicile), soit domicilié à Paris au moment du décès : dans ces deux derniers cas, l’accueil au Père-Lachaise dépend des disponibilités du moment en fonction des reprises effectuées au cours de l’année. »

Eh oui, mais une concession est tout de même payante et coûte même une somme coquette. On voit ainsi pourquoi la conservation du passé ne vient pas au premier rang des préoccupations.

A la question d'un registre de visiteurs, l'agacement devient sensible : « Réponse : Le cimetière du Père-Lachaise n’est pas un lieu touristique. Sa vocation est d’accueillir des défunts dans un espace funéraire, bien que celui-ci soit ouvert à la promenade publique. Le rôle du personnel du cimetière n’est pas de tenir des statistiques touristiques (il y a des organismes qualifiés pour cela) mais d’enterrer les morts ou de les incinérer au crématorium, de gérer des concessions et des exhumations, d’assurer le bon entretien du site : voirie, espaces communs, propreté, plantations. Pour un cimetière, les visiteurs autres que les familles des défunts et les promeneurs discrets, c’est-à-dire les touristes voyants, sont une gêne car ils dérangent fréquemment tous ceux qui travaillent dans le cimetière à un titre ou à un autre. En outre, ils sont une source de dépense importante alors qu’ils n’apportent aucune recette, contrairement à ce qui se passe dans les musées et les véritables sites touristiques.

Il n’y a donc aucun registre dénombrant les visiteurs car le personnel a d’autres tâches, à commencer par l’accomplissement de ses obligations légales prioritaires.

Les raisons de la visite des touristes sont variables et multiples, depuis la recherche de l’esthétique, de la beauté des lieux et de leur charme romantique et historique, jusqu’à ceux qui s’imaginent se trouver dans un parc de loisirs et pouvoir y commettre des actes délictueux comme si le cimetière était une zone de non-droit. »

C'est moi qui souligne. Cela se passe de commentaire. Depuis 60 ans, on démolit 300 caveaux par an pour revendre l'emplacement et comme on ne peut pas faire payer les visiteurs attirés là par l'art ou l'histoire, on les tolère avec hargne. Mais il y a mieux. Questionnés sur l'existence de plans et sur l'indication possible des tombes de personnalités : « Les défunts étant en vertu de la loi française, tous égaux devant la mort, il n’existe pas de « personnalités » proprement dites dans les cimetières même si la coutume et l’usage ont consacré cette présence et cette catégorie de défunts.

L’administration des cimetières n’ayant pas qualité pour déterminer qui est ou qui n’est pas une « personnalité », elle se contente d’éditer un plan général signalant une centaine de « sépultures parmi les plus demandées » par le public. Deux autres plans, thématiques, sont consacrés aux Monuments de la Déportation ainsi qu’au circuit de la Commune de Paris qui rassemblent des monuments emblématiques. »

Gare aux morts qui n'ont pas la bonne couleur politique ? Quand je parlais de venin... In cauda venenum, comme de juste !


Une rumeur court selon laquelle l'actuel maire de Paris, emporté par son zèle écologiste, aimerait transformer le Père-Lachaise en jardin, utilisant l'espace des 300 démolitions annuelles pour y planter des arbres, ne gardant à terme que les monuments classés. Je n'ai pas pu trouver de confirmation sur Internet. Mais si c'est en projet, j'espère que mon coup de gueule lui donnera un coup de frein.

Un bon petit site pour visiter sans se déplacer, d'autant que les photos sont belles :

http://membres.lycos.fr/blg/index.html

Les miennes seront sans doute moins touristiques.