Wednesday, January 30, 2013

Interrogations sur une manif4



Outre Alain de Benoist, Jean Pierre Dickès a bien vu, lui aussi, ce que je ne cesse de titiller du bout de l’intelligence comme on revient du bout de la langue sur une dent gâtée. Dans son livre récemment paru, L’ultime transgression, il fait la liste de toutes les avancées théoriques et techniques qui donnent à l’homme la maîtrise presque entière de la vie. Mais Jean Pierre Dickès est un homme de certitudes alors que je suis une femme d’interrogations. Il sait que c’est mauvais par principe puisque, dans le Conte de la vie et de la mort, en Genèse 3, Dieu protège l’arbre de vie des atteintes de l’Adam. J’ai toujours préféré les théologiens qui interprètent ce mythe en disant que ces arbres aux fruits étranges, la connaissance du bon et du mauvais[1] et la vie, faisaient l’objet d’un interdit provisoire : on ne met pas la boîte d’allumettes dans le coffre à jouets d’un bambin de trois ans même si elle a sa place dans le sac à dos de l’ado qui part camper. Et comme on ne remet pas un poussin dans l’œuf, il faut bien faire avec le décalage inéluctable entre la connaissance donc la maîtrise technologique potentielle de l’univers et l’incertitude des conséquences. Les Grecs la personnifiaient sous les traits de la déesse Hécate qui présidait aux carrefours, aux accouchements, à tous les actes chargés d’incertitude existentielle. Pierre Lavedan[2] qui la pense d’origine thrace note la différence d’approche entre les fonctions que lui attribue le culte et le sentiment populaire à son égard. On dépose les offrandes sur ses autels à la Nouvelle Lune, quand la nuit est totalement noire et ne permet pas de se guider sur les chemins sans une lampe, on lui donne donc comme attributs d’être δαδοφόροϛ ou φωσφόροϛ, porteuse de torche ou porteuse de lumière[3]. Elle a partie liée avec la germination des végétaux et la fécondité animale et humaine et veille sur les marins et leurs ports, en particulier quand la mer est orageuse. Dans le culte et les hymnes orphiques, on la qualifie de bonne et d’aimable. Pourtant, le sentiment populaire en fait une sorte de démone, dispensatrice des cauchemars et des terreurs de la nuit, reine des spectres, magicienne habile aux incantations, aux philtres d’amour et aux poisons mortels. Cette ambiguïté reflète évidemment celle de toute naissance. Les pancartes des partisans du mariage homosexuel avaient raison d’affirmer qu’Hitler aussi a eu un père et une mère – encore que, sans en rajouter du côté du point Godwin, on puisse noter que sa famille s’éloignait déjà de la norme idéale. Hécate préside à l’aventure qu’est forcément la vie concrète avec ses beaux fruits, ses beaux bébés, ses marins héroïques, ses tempêtes, ses angoisses, ses jalousies, ses conjurations. Parmi ses fêtes, notons celle de la Clef, Κλειδόϛ πομπή, à Lagina qui comportait, outre des jeux et des distributions de nourriture et d’argent, une procession solennelle. Qu’ouvrait et que fermait cette clef ? Les portes de la ville, celles du temple ou celles de la vie ? C’est une puissance triple, une déesse à trois visages qui récapitule en somme les âges de la vie (comme les Parques ou les Nornes), les fonctions féminisées, les phases lunaires visibles, proche de la triple Brigit irlandaise[4]. C’est bien l’ambiguïté d’Hécate qui préside aujourd’hui aux questions de bioéthique et d’orientation de la civilisation qui ne peuvent être séparées des revendications de mariage homosexuel.

Comme le remarque Jean Pierre Dickès, tout converge pour certains idéologues vers la création d’un homme artificiel par ectogenèse, conçu in vitro avec toutes les ressources de la bio-ingénierie, mené à terme dans un utérus artificiel irrigué d’un liquide amniotique tout aussi artificiel, éduqué en batterie (euh, pardon, en crèche collective, écoles, etc.). On trouve de fait sur Internet l’écho de toutes les recherches qui vont dans ce sens, ainsi que de l’idéologie qu’il dénonce. On y apprend en particulier qu’il serait bel et beau de libérer les femmes des contraintes de la grossesse. Contraintes ? S’il est vrai qu’on se sent un peu lourde dans les derniers mois et même cousine d’une vache épanouie, ces inconvénients s’accompagnent de tant d’émotions subtiles, d’amour et de plaisir qu’elles se supportent fort bien. Même les nausées matinales du début s’oublient vite. Dans ce rêve d’ectogenèse, on risque bien de jeter au sens propre du terme le bébé avec l’eau du bain amniotique naturel. L’enfant participe par le cordon ombilical aux émotions de la mère, il voit, il entend, j’ai le souvenir d’une qui se trémoussait dans mon ventre si j’écoutais certaines musiques. Dans un sac artificiel, quel préapprentissage de la vie aura-t-il ?

Donna Haraway, biologiste et féministe américaine, dans son essai de 1984, The Cyborg Manifesto[5], insiste sur la construction purement sociale non seulement du sexe mais de tout le corps humain. Dès la première ligne, nous sommes prévenus : « Je vais tenter ici de construire un mythe politique ironique qui soit fidèle au féminisme, au socialisme et au matérialisme. » La métaphore du cyborg, qu’elle emploie tout au long du texte, est explicitement empruntée à la science-fiction où il se présente comme un hybride d’homme et de machine. Elle présente son essai comme « une tentative de contribution à la culture et à la théorie féministes socialistes sur un mode postmoderne qui ne se réfère pas à la “ nature ”, dans la tradition utopiste d’un monde sans genres sexués qui est peut-être un monde sans genèse mais peut-être aussi un monde sans fin. L’incarnation du cyborg est extérieure à l’histoire de la rédemption. Elle ne s’inscrit pas non plus dans un calendrier œdipien car elle ne cherche pas à cicatriser les terribles clivages du genre dans une utopie symbiotique orale ou une apocalypse post-œdipienne. » Plus loin, elle précise : « Le cyborg n’a pas d’histoire de ses origines au sens occidental du terme – ultime ironie puisqu’il est aussi l’horrible conséquence, l’apocalypse finale de l’escalade de la domination de l’individuation abstraite, le moi par excellence, enfin dégagé de toute dépendance, un homme dans l’espace. » Après la disparition pour la science du XXe siècle de la cassure ontologique entre l’homme et l’animal, elle envisage la fin de la distinction entre l’homme et la machine grâce à la cybernétique.

Arrêtons-nous un instant. Ce flou des frontières, quoi qu’elle en dise, n’a pas grand chose à voir avec les incertitudes quantiques qui sont d’abord la reconnaissance des limites de la mesure. Depuis la scolastique médiévale, on sait que distinguer est un acte de l’intelligence[6] et, sans l’avoir alors formulé, que la carte n’est pas le territoire. En ce sens, affirmer la construction sociale du réel revient à enfoncer des portes ouvertes. S’il fallait crier que l’appartenance n’est pas l’essence, que l’identité sociale de chacun est multiple si on l’assimile aux fonctions que l’on peut assumer, cumuler ou rejeter, c’est que le discours américain dominant était d’une naïveté confondante[7]. Sartre lui-même, dans sa critique du « garçon de café qui se prend pour un garçon de café », n’a fait que redécouvrir ce que disaient les théologiens depuis le rejet conciliaire du montanisme, quand les évêques ont tranché en posant que la validité des sacrements dépendait de celle de la fonction (en ce cas, de la régularité de l’ordination) et non de la pureté personnelle du célébrant. A beaucoup d’égards, les critiques qu’adressait en 1984 Donna Haraway à la société dont elle décrivait les défauts ne concernaient que le continent américain et même plus précisément l’ensemble formé par les USA, le Mexique et les autres Etats méso-américains.

Or à ce mythe ironique du cyborg qu’elle proposait comme perspective révolutionnaire et que les transhumanistes proposent comme palier suivant de l’évolution humaine, les Américains – et particulièrement les femmes – ont déjà répondu au travers d’un vécu mythique collectif aux allures de cauchemar, les enlèvements extraterrestres[8]. Il s’agit d’expériences vécues et l’on n’insistera jamais assez sur ce point, qui concernent des milliers de personnes depuis 1985, avec un nombre déjà important de cas précurseurs dans les décennies précédentes. En 1987, le spécialiste du folklore Thomas E. Bullard avait déjà étudié 300 cas assez dispersés pour que les premiers expérienceurs n’aient pas pu communiquer entre eux, alors que leurs récits se ressemblaient étroitement. Il a pu dégager 64 motifs et les regrouper en 8 épisodes types :la capture, l’examen « médical », la conférence du chef des Aliens révélant le but de leur séjour sur Terre, la visite de l’engin volant, le voyage spatial, la théophanie survenue à l’insu des ravisseurs, le retour sur Terre, les répercussions physiques et psychiques sur le ravi. A ces séquences, il faut ajouter pour certaines femmes les grossesses interrompues[9]. Inséminées lors de « l’examen médical », elles subiront l’extraction du fœtus au quatrième mois. La plupart d’entre elles vont vivre d’autres épisodes d’enlèvement et décrire ensuite des salles emplies d’utérus artificiels en forme de sacs dans lesquels se développent les hybrides auxquels elles ont servi de mères porteuses involontaires, puis les nurseries où sont soignés les bébés eux-mêmes. Ces enlèvements répétés ont pour but d’obliger les femmes terriennes à bercer et choyer ces enfants qui s’étiolent faute de tendresse.

Deux des professionnels qui ont enquêté sérieusement sur ces cas sont des psychiatres renommés, John Mack et Rima Laibow. Ils n’ont cessé d’affirmer que ces expérienceurs ne sont pas atteints de maladies mentales ; il s’agit de gens ordinaires, plutôt bien insérés socialement, sur qui le cauchemar va débouler sans crier gare, au point que Rima Laibow a fait plusieurs communications dans les instances professionnelles pour présenter ce qu’elle a appelé des traumatismes sans trauma, du moins sans trauma recevable par notre conception du réel. Or quel que soit le statut des entités qui se manifestent ainsi, une chose est frappante : ce que racontent les ravis depuis plus de vingt ans, c’est exactement le monde que Donna Haraway et les transhumanistes nous présentent comme un paradis à atteindre, le summum de la liberté des femmes et l’étape ultime de l’humanité. Non, répondent les ravis, c’est une horreur ! Un monde dont ont disparu le respect de l’autre, la relation vraie, la chaleur humaine, la tendresse, un monde où ne reste que l’artifice technologique, l’utilitarisme froid, pas même la cruauté, un monde asexué, idéologique, caricatural.

Tout se passe comme si l’inconscient collectif regimbait de toutes ses forces contre le projet sur l’homme dont rêvent depuis longtemps les féministes révolutionnaires rejointes par les multinationales des marchandises de santé.


[1] Je ne le répèterai jamais assez, il s’agit d’adjectifs en hébreu et pas de substantifs qui absolutiseraient le bien et le mal. L’ensemble désigne la sphère des jugements de valeur, la classification des ressentis selon des critères « humains trop humains », comme aurait dit Nietzsche. Il n’est pas question non plus d’interdire la connaissance comme on le lit parfois. « Soyez un bon benêt, mon fils » n’a jamais fait partie du projet divin tel que le commentent les rabbins du judaïsme talmudique ou les pères de l’Eglise.
[2] Pierre Lavedan, Dictionnaire illustré de la mythologie et des antiquités grecques et romaines, Hachette, Paris, 1931, article Hécate pp.31-33.
[3] Ce qui se traduirait en latin par lucifer.
[4] Il faudra bien un jour faire pour les déesses triples que l’on rencontre dans tout l’espace indoeuropéen le travail qu’a fait Dumézil pour les fonctions masculines.
[5] http://www.cyberfeminisme.org/txt/cyborgmanifesto.htm
[6] Ce qu’on appelait alors l’intellect agent.
[7] A lire certains sites « chrétiens », évangélistes ou baptistes, on peut légitimement se demander si ce n’est pas le cas.
[8] Voir à ce propos les travaux de Rima Laibow, de Budd Hopkins, John Mack ou Thomas Bullard, ainsi que Marie Thérèse de Brosses, Enquête sur les enlèvements extraterrestres, Plon, Paris, 1995 et J’ai Lu 4643, Paris, 1997. Voir aussi Bertrand Meheust, En soucoupe volante : vers une ethnologie des récits d’enlèvements, Imago, Paris, 1992.
[9] Bertrand Meheust, in Pinvidic et al., OVNI, vers une anthropologie d'un mythe contemporain, Heimdall, 1993.

Thursday, January 24, 2013

Interrogations sur une manif 3



Dans ma série de messages intitulée « Vers quel monde ? », j’évoquais l’opposition nature/culture chère à Lévi-Strauss et je notais qu’il avait touché quelque chose d’essentiel en la dégageant. J’écrivais : « Toutes les traditions, lorsqu’elles exaltent une forme d’ascèse, tendent à éloigner l’homme de son substrat animal, à soumettre à la volonté, à la contemplation noétique, à la bienveillance désintéressée les fonctions vitales les plus basiques : le souffle, le besoin de nourriture ou de sommeil, l’instinct de reproduction et le désir sexuel auxquels il faudrait ajouter le réflexe grégaire de l’animal social. Aimé Michel voyait cet éloignement jusque dans la technique la plus quotidienne, par ce qu’il appelait les « extériorisations de fonction » ; ainsi la cuisine extériorise une partie de la digestion, l’écriture se substitue à la mémoire, la meule à la dentition, les tapis roulants à la marche, jusqu’à l’ordinateur qui nous libère de l’obligation de compter et d’une partie de notre travail mental. Pour lui, les grands mystiques représentaient le futur de l’homme, son aboutissement évolutif, accessible à quelques individualités par l’effort ascétique et à l’ensemble de nos descendants après quelques milliers voire quelques millions d’années d’extériorisation de tout le substrat culturel en prise sur l’animalité. Que la prescience grandiose d’Aimé Michel soit juste ou non, ce mouvement constant vers une libération des contraintes biologiques n’est pas niable. » Une vision superficielle pourrait confondre l’anomie urbaine, la granulation sociale qui en résulte avec ce dégagement de l’homme de son substrat animal, dans la mesure où la ville actuelle est synonyme de technologie, d’une maîtrise sur la matière dont n’auraient pas rêvé les pionniers de la révolution industrielle. Depuis juin 2002, d’après un rapport officiel américain[1], existent les NBIC ou technologies convergentes : Nanotechnologies, Biotechnologies, Information et sciences Cognitives[2]. Il y eut même un peu plus tard une mission officielle française, confiée à Jean Pierre Dupuy, chargée d’évaluer les risques de ces convergences. En d’autres termes et comme le prévoyait déjà Aimé Michel, nous sommes en passe de devenir les maîtres de la vie outre ceux de la matière inerte.

Lorsque j’avais évoqué ces faits sur ce blog, je commençais d’explorer une école de pensée à peu près inconnue en France, le transhumanisme. Je notais que l’inventeur du terme NBIC n’était autre que William Sims Bainbridge et que ce haut fonctionnaire de la National Science Foundation, sociologue spécialisé dans l’étude des groupes religieux, était aussi l’un des piliers de la World Transhumanist Association dont l’un des choix pour le futur serait de pouvoir transférer le contenu informationnel du cerveau dans des mémoires informatiques et remplacer, en l’améliorant au passage, l’homme biologique mortel par le cyborg robotisé et immortel et/ou l’avatar virtuel. Rappelons qu’en juillet 2003, Bainbridge appelait à la constitution de lobbies discrets sinon de sociétés secrètes prêtes à résister à l’ordre social supposé réactionnaire, au premier rang duquel il plaçait les religions établies. Outre un rêve d’immortalité cybernétique, nombre de transhumanistes caressent l’idée de modifier la génétique humaine afin que chacun puisse choisir la forme corporelle qui lui siérait, s’adjoindre une paire d’ailes ou incarner la femme araignée des mythes amérindiens, ou réaliser physiquement l’hermaphrodisme des songes romantiques. On voit que la théorie du genre, le gender en anglais, n’est que la première marche d’une longue échelle d’utopies. Pour passer d’une culture humaine à une société de cyborgs métamorphes voire à l’univers purement virtuel de Matrix, la première étape consiste évidemment à briser les structures de parenté, la territorialité et les identités culturelles.

Notons en incise que ces rêves transhumanistes s’appuient sur l’idée admise dans les pays anglo-saxons que chacun est propriétaire de son propre corps qui ne relève donc plus de la sphère de l’être mais de celle de l’avoir et que l’on peut chosifier. Reste à savoir qui alors est le propriétaire, quelle entité en possède les droits et, en conséquence, une kyrielle de « droits à » que n’équilibrent aucun devoir[3]. Ainsi, derrière les véhéments appels au progrès, à l’égalité et autres abstractions se profile une question autrement fondamentale : qu’est-ce que l’homme ?

Un extrait du manifeste d’une branche extrême du transhumanisme, celle des extropiens, mérite une relecture :
Les Extropiens reconnaissent les capacités conceptuelles uniques de notre espèce, et l'occasion que nous avons de mener l'évolution naturelle à de nouveaux sommets. Nous constatons que les êtres humains sont à une étape transitionnelle cruciale, entre notre héritage animal et notre futur posthumain.
Cette idéologie n’a de sens qu’en se plaçant dans une perspective évolutionniste considérée comme une échelle montante ayant mené de la première cellule, fruit de la recombinaison de la matière inerte, au néocortex et aux capacités humaines d’action transformatrice sur l’environnement. Certes, en dehors de quelques fondamentalistes baptistes dont le nid se situe au sud-est des Etats-Unis et de quelques « cathos tradis » totalement déconnectés même de leur propre Eglise, plus personne ne nie le fait, établi par la paléontologie, que la vie terrestre ait une histoire échelonnée sur des milliards d’années et que cette histoire soit celle d’une complexification de l’écosystème. Mais une fois constaté ce fait brut, indéniable, têtu, il reste à le comprendre et c’est là qu’intervient, qu’on le veuille ou non, un choix métaphysique. J’ai déjà longuement traité cette question et il me suffit aujourd’hui de la résumer. Le néo-darwiniste strict, basé sur les mutations aléatoires et les avantages éventuels qu’ils accordent pour la survie peine de plus en plus à expliquer les faits d’observation, en particulier les plus récents comme le constat que les mutations n’auraient pas lieu au hasard mais en réponse à un besoin de l’espèce engendré par une modification de l’environnement. Il n’explique pas non plus la tendance lourde à la complexification que l’on décèle dans l’univers depuis le Big Bang. Il faut donc supposer soit, comme Hubert Reeves et quelques autres, une force fondamentale encore inconnue, soit un esprit immanent de type hégélien, soit un « dessein intelligent » et forcément divin.

Je reprends ici ce que j’écrivais pour éclairer le débat : depuis les travaux essentiels du mathématicien Gregory Chaitin, on ne peut plus assimiler suite aléatoire, donc nombre aléatoire, donc forme aléatoire du résultat d’une mesure, au hasard métaphysique qui est absence d’intentionnalité et de causalité. En effet, Chaitin a pu faire la jonction entre théorie des nombres et théorie de l’information, établir qu’une suite aléatoire équivaut à un programme minimal – avec pour cerise sur le gâteau que la minimalité n’est pas démontrable et que, donc, l’aléatoirité d’un nombre ou d’une suite de nombres ne l’étant pas plus, il s’agit et ne peut s’agir que d’une notion intuitive. Cela signifie que des résultats de forme aléatoire n’impliquent pas l’absence d’intentionnalité et que, plus sioux encore, leur caractère aléatoire ne peut être que supputé, postulé mais non démontré. Ce qui, en toute rigueur, montre que la science se trouve dans une situation kantienne telle que la métaphysique négative (absence de Dieu, pour dire vite) n’est pas plus économique au sens du rasoir d’Occam que la métaphysique positive.

Sans doute les êtres humains sont-ils à une étape transitionnelle cruciale, entre notre héritage animal et notre futur posthumain. Mais c’est vrai de tout temps et tout dépend de ce qu’on entend par futur posthumain. Ange ou cyborg ?

Ce n’est sans doute pas une coïncidence si l’éditorial de Robert de Herte (autant dire Alain de Benoist) dans le dernier numéro d’Eléments évoque le transhumanisme sans le nommer quand il écrit : « De véritables transformations anthropologiques sont à l’œuvre. Elles touchent le rapport à soi, le rapport à l’autre, le rapport au corps, le rapport à la technique. Elles iront demain jusqu’à la fusion programmée de l’électronique et du vivant[4]. »  Il en accuse directement le libéralisme économique et financier, responsable de la destruction de toute « communauté de sens » au profit de « l’idéologie du désir » narcissique par définition fusionnée avec « la logique du marché ». La convergence de nos préoccupations montre bien que la chose est « dans l’air », comme on dit. Toutefois, s’il est clair que le libéralisme financier favorise aujourd’hui cette forme d’évolution idéologique qui lui permet comme le roi Midas de transformer en or, c’est-à-dire en marchandise, tout de qu’il touche, je me demande s’il ne s’agit pas d’une alliance temporaire. Le transhumanisme a besoin de technologie, pas obligatoirement du marché – et le marché financier n’a, lui, pas obligatoirement besoin d’avancées technologiques majeures. Lorsque la science-fiction a décrit des univers transhumanistes, il s’agissait plus souvent de dictatures de castes que de libre entreprise et je renverrai en particulier aux indépassables Seigneurs de l’instrumentalité de Cordwainer Smith[5].

(à suivre)


[2] Jean Pierre Dupuy, « Le problème théologico-scientifique et la responsabilité de la science », 2004, sur le site http://formes-symboliques.org, rubrique philosophie
[3] Pour l’analyse du manifeste transhumaniste, je renvoie dans les archives de ce blog à la série « Vagabondages ».
[4] Robert de Herte, « La fin du monde a bien eu lieu », Eléments n°146, janvier-mars 2013.
[5] Actuellement chez Folio SF dans la traduction d’Alain Dorémieux, après plusieurs autres éditions.

Monday, January 21, 2013

Interrogations sur une manif 2




L’« invention » de la famille par les oiseaux eut une autre conséquence que d’ouvrir la possibilité de l’apprentissage, elle a libéré la vie du gaspillage naturel. Un arbre jette au vent des centaines de milliers de graines dont seules quelques unes vont pousser ; le frai du poisson, ce sont des centaines d’œufs lâchés par la femelle qui dérivent au gré du courant, dont peut-être la moitié sera fécondée ; le banc d’alevins qui en résulte a toutes chances d’être décimée par les prédateurs et, bon an mal an, les populations restent à peu près stables ; les pontes de tortues abandonnées dans le sable ne réunissent plus qu’une ou deux centaines d’œufs mais, là encore, seuls deux ou trois survivront jusqu’à l’âge adulte. La couvaison réduit largement le nombre acceptable dans un nid, on aura par année quatre, cinq, au plus six ou sept oisillons à nourrir et éduquer s’il est tressé dans les branches d’un arbre, un peu plus dans les nids au sol. Chez les mammifères, les portées sont du même ordre chez les animaux de petite taille et se réduisent à un ou deux lorsqu’elle augmente. En d’autres termes, l’histoire de la vie n’est pas seulement celle d’une montée vers la liberté mais aussi celle d’un respect de plus en plus marqué de l’individu. Même chez les mammifères sociaux comme les loups, chaque membre de la meute a sa personnalité propre et les relations ne se résument pas à l’établissement des hiérarchies. Résumons en chiffres pour fixer les ordres de grandeur. Il faut dans les 100 000 graines pour faire 1 arbre, environ 1000 œufs pour un poisson, 100 pour une tortue marine, tandis qu’à partir de l’oiseau chaque individu conçu a une réelle espérance de vie. Le gaspillage existe encore mais en interne : le nombre de spermatozoïdes qui perdent la course à l’ovule dépasse celui des étoiles dans l’univers. On peut y voir à quelle mesure chaque être vivant est précieux dans sa singularité.

Or que signifie la procréation médicalement assistée qui suivrait évidemment l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe et que réclament à cor et à cris les militantes de LGBT ? Soit une simple insémination que j’oserais appeler vétérinaire puisque la technique est la même pour les vaches ou les juments mais qui reste aléatoire car il faut viser le bref laps de temps pendant lequel la femme est fécondable, soit plus souvent une fécondation in vitro avec implantation de l’ovule fécondé. La technique exige que plusieurs ovules soient soumis à ce processus et qu’un tri soit effectué parmi ceux qui ont réussi cette première étape. En d’autres termes, nous retrouvons le gaspillage du vivant tel qu’il existe chez les tortues ou les reptiles à sang froid. Progrès ou régression ?

Quant à la gestation pour autrui, si le corps humain redevient une marchandise, cela signifie simplement que nous revenons au temps de l’esclavage, un esclavage d’autant plus odieux qu’il n’implique plus aucun devoir du maître puisque il n’achète pas la reproductrice, il la loue comme une voiture ou un appartement. Mais cela ne ferait que pousser un peu plus loin une tendance mercantile bien lancée avec la recherche sur l’embryon, le trafic d’organes et les brevets pris sur des morceaux du génome humain. Là encore, où est le progrès ? Vers -1800, Hammourabi interdisait de séparer les familles d’esclaves et obligeait à respecter les liens qui unissaient les parents et les enfants. Nous serions en train de dégringoler en deçà du premier droit écrit connu, quelle avancée !

Nous sommes à la croisée des chemins. Science et technologie nous donnent un pouvoir sur la vie dont n’auraient pas rêvé nos ancêtres mais en ce domaine comme en d’autres, nous ne pouvons plus forger indépendamment la charrue et l’épée. Les revendications sentimentales du mariage homosexuel et du droit à l’enfant s’inscrivent dans la même démarche que le transhumanisme que j’ai déjà largement commenté sur ce blog, une démarche facilitée par la désagrégation des familles élargies. L’anomie sociale qui accompagne toujours l’urbanisation comme on l’avait déjà observé à l’époque hellénistique à Alexandrie brise les liens structurés de sang et d’alliance et les remplace par une sorte de mouvement brownien des individus, des interactions provisoires ou contractuelles. En d’autres termes, la société passe d’une structuration organique, analogue à celle du vivant, à celle d’un gaz ou d’un liquide, d’une collection de molécules. On ne peut s’empêcher de penser à la décomposition des cellules vivantes mais s’agit-il de la mort ou de l’histolyse qui permet la transformation de la chenille en papillon ? S’il est difficile de trancher a priori, quelques constats doivent nous inciter à la plus grande prudence, ne serait-ce que la prolifération des structures mafieuses dans ce monde de plus en plus urbanisé. Là où les liens familiaux se diluent, où l’Etat s’affaisse, les bandes fortement hiérarchisées et indifférentes à tout ce qui n’est pas leur intérêt immédiat prennent le pouvoir, un pouvoir brutal que ne tempère même plus l’idéologie. 
(à suivre)

Sunday, January 20, 2013

Interrogations sur une manif et ses suites





Manif pour tous : le terme fut choisi en écho au slogan de « mariage pour tous » désignant le projet de loi gouvernemental ouvrant le mariage civil aux personnes de même sexe, avec tous les privilèges associés au mariage, en particulier la possibilité de l’adoption plénière. Vouloir une démonstration non politicienne et non confessionnelle parce que l’enjeu dépasse de loin tous les partis et les divergences théologiques, je pouvais le comprendre et j’ai fait partie du million et quelques de manifestants. Mais aussi généreuse et juste soit l’idée, il reste à lui donner une assise théorique sans laquelle ce ne serait que feu de paille vite éteint par des flots d’idéologie bien articulée – même et surtout si, comme je le crains, l’idéologie avouée du PS n’est que le cache-pot de préoccupations beaucoup plus pernicieuses et qui ne viennent pas de la ligne de pensée que s’était donnée la gauche depuis le XIXe siècle. Donc, pourquoi ai-je manifesté dimanche ? Papa, maman, la bonne et moi ?

La famille dont j’ai eu l’expérience dans mon enfance était plus vaste que ce noyau là, elle comptait quatre générations, des oncles, des tantes, des cousines et même un ou deux cousins. C’est dans ce contexte que j’ai appris le respect, la tendresse, les coups de gueule, la solidarité et les jugements abrupts, la fidélité et les injustices de l’existence, la différence entre l’amitié de choix et la parenté donnée. Bref, la vie. Mais des familles comme la mienne, qui en a encore l’expérience ? Je voyais ma grand-mère maternelle tous les jours, mes grands-parents paternels toutes les semaines ou presque. Aujourd’hui, la famille est unie quand un enfant passe quelques jours par an chez ses grands-parents à l’autre bout de la France si ce n’est du monde. Comme je le disais dans l’un de mes derniers articles, la famille recomposée n’est pas une invention moderne, même si c’était la mort et non le divorce qui entraînait les remariages et la vie sous le même toit de frères, demi-frères, enfants sans lien de sang éduqués ensemble. Rappelons nous le conte de Cendrillon ! Mais elle se recomposait au sein d’un ensemble plus vaste où chacun savait d’où il venait, quels étaient ses ancêtres et son cousinage propre. Je ne suis pas sûre que les familles patchwork actuelles aient gardé tant de liens avec les ascendants et les collatéraux. Le tissage des liens de sang et des liens d’alliance existe depuis les origines de l’humanité. On le trouve chez les aborigènes australiens ou les indiens d’Amazonie comme dans la France des années 1950. Il a donné, en se codifiant au sein des diverses cultures, la structure de clan puis de tribu, c’est à dire toute la socialisation des chasseurs-cueilleurs puis des agriculteurs. D’où vient que cette famille élargie encore vivace il y a si peu de temps et qui tenait depuis des millénaires se soit effondrée en moins d’un demi-siècle, au point qu’on en arrive à ce projet de loi ?

Evacuons d’emblée les accusations simplistes ou les complots fantasmatiques. Ce n’est pas le simple désir de jouissance des adolescents de mai 68 ni la doctrine des frères la gratouille, comme les appelait Mitterrand, s’acharnant à détruire la religion qui permettent d’expliquer un tel délitement. Tout au plus discussions en loge et slogans de mai seraient-ils des symptômes. Lors de la révolution russe, Staline a très vite rétabli le mariage traditionnel en le laïcisant et les quelques velléités d’union libre ont terminé en Sibérie. Il faut se poser des questions beaucoup plus fondamentales et qui donc risquent de fâcher les uns ou les autres.
La famille n’est pas une spécificité humaine. Elle commence avec les oiseaux, avec la couvaison, le nourrissage et l’éducation de petits nés immatures, incapables de survivre par eux-mêmes[1]. En deçà, poissons, tortues, reptiles, tous les ovipares à sang froid abandonnent leurs œufs et, lors de l’éclosion, c’est à chaque bébé d’assurer sa propre survie pour le plus grand bonheur des prédateurs. Chose notable, c’est également avec les oiseaux que surgit le sommeil paradoxal, l’état de rêve qui, si l’on en croit Michel Jouvet, permet de dépasser la programmation génétique et, selon quasiment tous les chercheurs, a quelque chose à voir avec la mémoire et l’apprentissage. Si l’on ajoute l’hypothèse d’Aimé Michel, à savoir que le raisonnement, la logique débute aussi avec les oiseaux et très précisément avec leur chant[2], nous avons là une constellation des plus essentielles, le gain d’une liberté que ne permet pas ou peu la simple programmation génétique. La vie passe un cap aussi important que la sexuation. On peut lire l’évolution des espèces de manière non darwinienne[3] comme une montée vers la liberté autant que vers la complexification croissante dont un Hubert Reeves reconnaît la présence depuis la première seconde de l’univers.

Gain de liberté au niveau de l’espèce : les comportements ne sont plus entièrement instinctifs, de simples réflexes en réponse aux conditions extérieures. L’oiseau choisit les brindilles qui composeront son nid alors que les fourmis ramènent n’importe quoi tant qu’elles peuvent le traîner ; il dispose d’un langage pour interagir avec ses congénères ; il peut revoir ses propres actes et les améliorer grâce au simulateur sans risque qu’est le rêve. Que cette autonomie soit encore limitée, nul n’en disconviendra mais elle existe. Quand les mammifères apparaîtront, la vie ne reviendra pas en arrière, elle étendra même plus loin cette latitude. Toutefois le gain d’indépendance au niveau de l’espèce s’accompagne de contraintes encore inconnues au niveau de l’individu. La transmission par apprentissage suppose que les parents s’imposent la longue immobilité de la couvaison, un temps de chasse accru pour nourrir les petits, l’accompagnement des premiers envols. On voit même s’esquisser la distribution des rôles selon le sexe puisque seules quelques espèces pratiquent la couvaison alternée par le mâle et la femelle.

Quand on arrive à l’homme, le gain de liberté devient immense. Toutes les capacités esquissées chez les oiseaux nous sont données de manière plénière – enfin, aussi plénière que le permettent les lois de la matière qui compose notre planète. Nous pouvons modifier nos comportements comme aucun animal ne l’a jamais pu. Nous sommes, si nous le voulons, maîtres de notre sexualité par la possibilité de continence ; maîtres de notre respiration, voir les yogi et les plongeurs en apnée ; maîtres de notre alimentation, à la fois omnivores et susceptibles de jeûner volontairement ; maîtres de notre sociabilité puisque, si la hiérarchie existe dans l’espèce humaine, elle peut s’exprimer selon divers modes ; maîtres de notre violence sans la bride animale qu’est l’interdit du meurtre intraspécifique ; maîtres de notre langage qui peut s’enrichir et se transformer selon nos activités, prendre des formes sonores ou graphiques ; maîtres enfin de nos territoires puisque nous voyageons sans difficulté. Ces gains d’autonomie ont leur revers : nous sommes capables de nous détruire par de mauvais choix, y compris en tant qu’espèce, sans qu’un garde-fou génétique ne nous limite. Nous pouvons, sans aller jusqu’à la destruction, nous imposer de la souffrance en poursuivant des chimères.

Il nous reste des contraintes naturelles. Nous ne pouvons pas nous passer totalement de nourriture ni de sommeil. Il faut toujours qu’un spermatozoïde pénètre un ovule pour que naisse un enfant. Nous ne pouvons pas restreindre le temps nécessaire à l’apprentissage et donc à l’éducation des petits – il tend même plutôt à s’allonger, il en reste une capacité tout au long de la vie qui permet l’accumulation des savoirs, la diversification des cultures et leur évolution. Cela signifie que les adultes sont obligés de prendre en charge d’une manière ou d’une autre celui qui ne peut encore assurer sa subsistance. C’est à ce niveau très fondamental, antérieur à toute différenciation culturelle, que se pose la question de la famille. Claude Lévi-Strauss a pu montrer dans ses Structures élémentaires de la parenté qu’il n’en existait que quelques modalités mais son travail est également trompeur puisqu’il ne prend en compte que l’ossature et non le vécu, ses joies et ses souffrances.

La souffrance est la grande inconnue. On ne sait pas très bien quand elle apparaît dans l’histoire de la vie, peut-être très tôt comme garde-fou mais elle est indéniablement liée à la capacité d’apprentissage et de transformation des comportements, donc au passage de la nature à la culture en tant que régulateur de nos existences. Le problème vient de ce qu’elle accompagne deux mouvements contraires, celui qui pérennise et fixe ce qui est appris et qu’on pourrait appeler, au sens le plus large, la tradition, celui qui pousse vers le nouveau, vers l’inconnu, vers le degré de liberté supplémentaire avec tous les risques qu’il comporte, ce qu’on peut nommer, là encore au sens le plus large, le progrès. Comment démêler si elle sert d’avertissement quand nous prenons un chemin qui nous détruit ou s’il s’agit d’une sorte de courbatures accompagnant un effort inédit mais salutaire ? De même le bien-être vient-il du moindre effort que signifie la transformation de la tradition en routine (terme non péjoratif) ou du gain de liberté d’un nouvel apprentissage ?

Les partisans du mariage homosexuel et des familles homoparentales nous affirment qu’il s’agit là d’un progrès et s’appuient pour ce faire sur l’existence des familles recomposées dont nous avons vu qu’elles n’ont rien d’une nouveauté, qu’elles sont une réponse astucieuse de l’humanité aux aléas de l’existence. Un oisillon au nid dont un busard a croqué les parents va mécaniquement crever de faim : la liberté de son espèce ne va pas jusqu’à l’altruisme de nid à nid, sauf parfois dans les colonies d’oiseaux sociaux. Un enfant humain orphelin survivra, pris en charge soit par sa parentèle élargie soit par une institution qui la remplace tant bien que mal, soit encore par l’adoption. Souffrira-t-il plus, moins, autant que celui qui aura grandi entre ses père et mère biologiques ? Le débat sur ce point ne peut que s’enliser à l’infini car il n’existe pas de thermomètre de la douleur et, d’autre part, la qualité, la fonction de cette souffrance précise n’est jamais définie. Ce qui serait effectivement une nouveauté, ce serait l’ouverture du mariage et de l’adoption aux personnes de même sexe. Pourquoi ? Parce que la famille n’a de sens qu’en fonction des soins à donner aux jeunes, qu’elle apparaît comme nous l’avons vu avec la naissance de bébés immatures et incapables de survivre seuls. C’est la perspective de l’enfant qui amène les amants à se plier aux contraintes rappelées jusque par le code civil : fidélité, assistance mutuelle, contraintes dont l’acceptation volontaire est un devoir. Le centre du débat ne peut être que l’enfant, sinon la « bénédiction » laïque et républicaine d’un couple stérile par essence et destiné à le rester n’est qu’une parodie ou un gratouillis d’ego. Ils pourraient s’offrir une fiesta avec les amis pour fêter leur décision de vie commune sans y inviter monsieur le maire, à moins qu’il ne s’agisse de considérations bassement matérielles comme la communauté des biens, l’héritage ou la possibilité de jouir d’une pension de réversion mais tout cela pourrait se régler par contrat de droit privé ou par décision ministérielle autorisant de tels accords sans cérémonie devant un élu en écharpe tricolore.

Or le point aveugle des structures définies par Lévi-Strauss, c’est le sort des orphelins et des bâtards et c’est aussi le cœur du débat d’aujourd’hui. Qui peut, qui doit en prendre soin ? La réponse a varié au cours des siècles et d’une culture à l’autre mais la question ne se posait véritablement qu’en cas de défaillance de la famille élargie, sinon les grands parents, les oncles et tantes suppléaient aux absents.
(à suivre)


[1] Peut-être a-t-elle commencé chez les dinosaures puisqu’il semble admis aujourd’hui qu’il s’agissait d’animaux à sang chaud, que certains se déplaçaient en troupeau, qu’il existait des stratégies de chasse en groupe, tous comportements qui suggèrent un apprentissage.
[2] Aimé Michel, « Prélude à l’homme », La liberté de l’esprit, 1990 si ma mémoire est bonne.
[3] Je me fiche du mécanisme. Quand j’emploie les termes « évolution des espèces », je fais allusion au fait indéniable que la vie possède une histoire bien datée par les couches géologiques, qu’elle a commencé par des unicellulaires, est passée par les invertébrés, les vertébrés à sang froid puis à sang chaud, enfin les mammifères. La complexification croissante de l’écosystème est un fait et, disait le vieux Lénine, les faits sont têtus. Qu’elle soit produite par survie des survivants (Darwin), par la fécondité de Gaïa (Lovelocke) ou par créations successives du Grand Architecte (nom divin parfaitement recevable en théologie) n’a aucune incidence sur mon raisonnement.

Friday, January 11, 2013

Communiqué du SIEL - je relaie

Communiqué du SIEL

(Souveraineté, Indépendance Et Libertés)

Attentifs aux débats qui ont animé les composantes du Rassemblement Bleu Marine à propos de la manifestation contre le prétendu "mariage" homosexuel du 13 janvier, le bureau du SIEL réaffirme unanimement son engagement en faveur d'un large mouvement populaire préservant l'institution familiale et à travers elle un élément central de la civilisation française.

Plus que jamais, il appelle ses membres, amis et sympathisants à se mobiliser non seulement le 13 janvier mais aussi tout au long de l'année contre les bouleversements anthropologiques auxquels ouvrirait ce prétendu "mariage", qu'il s'agisse des développements de la théorie du genre, de l'adoption d'enfants par des couples homosexuels, de la procréation médicalement assistée, de la gestation pour autrui et de toute forme de transformation du corps humain en marchandise. Il s'alarme aussi des modifications législatives en cours sur l'utilisation de l'embryon humain ou le recours à la pratique de l'euthanasie.

Le SIEL rappelle à cette occasion les paroles prononcées par Benoît XVI le 7 janvier, appelant les Chrétiens à refuser "la révolution anthropologique" sous-jacente au débat sur le prétendu mariage et son exhortation à ne pas craindre de "contredire l'état d'esprit dominant" -un état d'esprit auquel le SIEL s'inquiète que les états majors des droites françaises persistent depuis des années à donner tant de gages, semblant méconnaître la gravité des enjeux de civilisation aux fins de normalisation médiatique et de complaisance envers une bien-pensance plus libertaire que libérale. Face à un monde où l'ordre symbolique se défait, il n'y a pas d'hésitation possible. 

                                                                                              Paris, 10 janvier 2013