Quand le slogan
« Je suis Charlie » est apparu sur les réseaux sociaux, je l’avais
repris à mon compte pour une seule et unique raison : je n’admets pas
qu’on décrète la peine de mort pour blasphème et encore moins qu’on vienne chez
moi, dans mon pays qui, jusqu’à preuve du contraire, est encore un pays de
droit écrit, pour exécuter la sentence. C’est un acte de guerre et doit être
traité comme tel. Mais j’aurais parié que les coupables présumés, comme
autrefois Merah, seraient abattus sans autre procès. Pari gagné, hélas. Ainsi,
pas de procès mais surtout pas d’interrogatoire, pas de révélations
intempestives qui risquerait de mettre en cause les fournisseurs d’armes, les
financiers voire les commanditaires. On interne d’office les loups solitaires
et l’on abat les professionnels. Après quoi commencent les festivités
« républicaines », les récupérations politiciennes voire
électoralistes, bref l’État spectacle qu’avait si bellement analysé Guy Debord.
Cela n’a pas demandé une journée pleine et cette nécrophilie me donne la
nausée.
Les analyses, si
l’on peut donner ce nom à la bouillie molle dont ne voudrait pas un chat bien
élevé, qui se sont fait jour depuis une semaine se partagent en deux
« camps », antagonistes et complémentaires. Il y a le majoritaire
« padamalgam » qui peut se développer en « Musulmans, on vous
aime, on ne vous confond pas avec les terroristes » et le minoritaire
« je suis Charlie Martel » qui peut aussi se résumer, que ce soit au nom
de la laïcité ou du catholicisme, à « Sus à l’Islam ! » La
première fait bêler les moutons dans un gentil village genre Petit Trianon chez
les Bisounours ; la seconde veut nous entraîner dans une guerre de
religions, de celles qui n’ont jamais eu dans l’histoire ni vainqueur ni vaincu
mais toujours beaucoup de morts. Surtout quand on sait qui fut réellement
Charles Martel, merci bien. Le sud de la France et la vallée du Rhône et de la
Saône jusqu’à Autun en gardent un souvenir aussi exécrable que celui des
pillards d’Abd-er-Rahman. Deux conquérants idéologues face à face, tous aux
abris !
Il y a des voix
discordantes. Thierry Meyssan suggère derrière cet attentat une manipulation
visant à créer une guerre civile en France. Si je ne le suis pas forcément dans
ses hypothèses un peu simplistes sur les commanditaires, la question mérite
d’être posée. Elle le mérite d’autant plus que la grande marche républicaine
n’a pas donné lieu à la moindre tentative d’attaque physique mais à une
offensive coordonnée de hackers sur un ensemble de sites internet français,
municipalités ou administrations, qui ressemble à un pied de nez d’une
insolence presque impériale de la part de Daech. Si c’est bien Daech. Lequel,
rappelons-le, fut à l’origine armé et financé par l’OTAN pour déstabiliser la
Syrie.
Il se joue
aujourd’hui un jeu très dangereux, beaucoup plus que le Grand Jeu si bien
évoqué par Kipling, qui consiste à manipuler les salafistes et autres
wahhabites dans divers buts géopolitiques liés au pétrole, c’est l’enjeu le
plus visible, mais aussi à d’autres matières premières. Que Washington y tienne
une place éminente, c’est un truisme. Mais c’est aussi l’arbre qui cache une
forêt aux essences très diverses, aux intérêts divergents, avec des ripostes du
faible au fort qu’il faudrait étudier en finesse.
A suivre donc.
Avec réflexion plutôt qu’émotion.